Ils ont choisi d’adopter un enfant handicapé

Adopter un enfant est déjà un parcours long et complexe, mais adopter un enfant à particularités peut amener encore d’autres péripéties sur le parcours. Comment se passe une demande d’agrément pour l’adoption d’un enfant porteur de handicap ? Comment est vécue l’attente, puis le coup de fil tant souhaité ?

crédit photo: The Animal Observatory

Un long parcours

Pour adopter un enfant, qu’il soit valide ou porteur de handicap, il faut s’armer de patience. La première étape est celle de la demande d’agrément, et comme pour une grossesse elle dure 9 mois. « On a des rendez-vous avec une psychologue, une assistante sociale et parfois même des éducateurs. » explique Elodie Bourdin, mère de trois enfants porteurs de trisomie, et directrice de l’association Rien qu’un chromosome en +, qui accompagne les familles de Loire-Atlantique ayant un enfant avec une trisomie 21. « Lorsque l’on reçoit son agrément, après 9 mois de rendez-vous, il est accompagné d’une notification précisant quelques critères comme la couleur de la peau, l’ethnie, le nombre d’enfants, les particularités, etc. »

Elodie a fait trois fois le choix de l’adoption. Sur les quelques années qu’ont duré ce parcours, elle a constaté une évolution dans la pratique. « Du côté de la loi, l’adoption à l’international a été bloquée, c’est la seule chose qui a changé. Dans la pratique, il est très rare désormais qu’une même famille dépasse deux adoptions, car il en faut pour tout le monde. J’avais un quatrième agrément, et au bout de 5 ans j’ai décidé de l’arrêter. J’avais déjà 3 enfants et je sais qu’on ne m’en aurait pas confié un quatrième. »

Laetitia de Watrigant est la référente adoption de l’association Tombée du nid, dédiée à l'aide et au conseil des familles avec un enfant handicapé. Elle met en contact des bénévoles, comme Elodie, avec des familles souhaitant adopter. Certaines ne sont qu’au tout début de leur réflexion, d’autres ont déjà entamé les démarches, voire obtenu un agrément.

« Les familles se posent beaucoup de questions en amont, sur comment se passent les démarches, est-ce qu’ils auront besoin de s’arrêter de travailler, comment se passe l’arrivée de l’enfant, quand et comment ils seront prévenus, etc. Ils viennent chercher du soutien. Et l’association a également une expertise pour les aider à mettre toutes les chances de leur côté. » 

L’attente avant l’adoption

Une fois l’agrément reçu, il faut contacter les antennes départementales des organismes d’autorité d’adoption. « En France il n’y en a plus qu’un qui s’occupe des enfants à particularités, mais on peut envoyer 97 fois son dossier, à tous les départements. » explique Elodie. Dans ce dossier on retrouve l’agrément et sa notification, mais aussi un courrier montrant les motivations des parents, des photos de la famille souhaitant adopter, le bilan de la psy et de l’assistante sociale, etc. « Il faut se vendre. Si on ne fait rien, il ne se passe rien. »

Ce dossier est à renouveler tous les ans, car l’attente, elle, est longue. « En fonction du type de handicap, cela peut être plus ou moins rapide, parfois moins d’un an. » explique Elodie Bourdin. « Les familles que l’on suit sont, en majorité, en attente d’enfant porteur de trisomie 21 » précise Laetitia. « C’est un handicap que l’on connaît bien et dont on a une image assez positive, qui fait moins peur que des handicaps plus lourds. Mais il y a de moins en moins d’enfants porteurs de trisomie 21 confiés à l’adoption, l’attente peut donc durer quelques années. »

Si en règle générale, ces parcours d’adoption se déroulent sans anicroche, il peut arriver que les travailleurs sociaux qui évaluent les familles soient dans l’incompréhension. « Certains ne comprennent pas, surtout quand les familles ont déjà des enfants biologiques » estime Laetitia. « Ce qui peut leur faire peur, notamment, c’est quand la famille se dit prête à accueillir un enfant de tout âge, peu importe son handicap. Les travailleurs sociaux risquent de leur dire qu’il n’y a pas de réflexion derrière le projet. Il faut que les familles connaissent leurs limites. » 

Un conseil qu’appuie également Elodie. « Plus les limites vont être posées et réfléchies, plus l’accueil se fera dans la sérénité. Moi, par exemple, je n’ai pas demandé un agrément pour un enfant avec un handicap physique, car je n’ai qu’un salaire, qu’un seul dos, je n’aurais financièrement pas pu adapter ma maison, cela aurait été compliqué. Il faut croire en soi, rester soi-même même si on est hors cadre, montrer que l’on est capable et que ce n’est pas qu’une envie comme ça. Mais en dehors des attentes qui peuvent être longues, je garde le positif, on oublie vite les mauvais moments. »

Soigner l’accompagnement des familles

Lorsqu’Elodie a reçu le coup de fil lui annonçant l’arrivée de son premier enfant, elle avait son agrément depuis deux ans, Nathanaël avait 3 mois. « On s’en rappelle toute notre vie, c’est incroyable, on a l’impression d’être dans une autre galaxie ! Mais il faut encore attendre 2 mois, et le conseil de famille peut revenir sur sa décision. C’est très long, et c’est là que dialoguer avec d’autres familles qui sont passées par là est important. » 

Puis Magdaléna est arrivée quelques années après, elle avait 6 mois. Et enfin, Abellino, qui était plus âgé, 18 mois. « On passe d’abord quelques jours juste avec l’enfant, puis il peut rencontrer les frères et sœurs s’il y en a. Chaque département a sa propre manière de fonctionner, cela peut être 3 jours, une semaine, ou deux semaines d’apparentement. Mais ce sont des moments magiques, très forts, où le temps est à l’arrêt. »

Aujourd’hui, ses enfants sont adolescents, et ils remplissent sa vie d’amour, de péripéties, et de joie. « C’est une jolie aventure, c’est du bonheur d’avoir une fratrie différente qui nous amène à regarder le monde un peu différemment, dans une société où le handicap, et notamment le handicap mental, n’a pas une place positive. Ils apportent plus, pas moins. » 

Laetitia de Watrigant continue, elle, de voir passer des familles ayant toutes le même souhait : donner de l’amour à un enfant qui n’en a pas eu au départ. « Elles se mettent à la hauteur de l’enfant, pour l’aimer à sa juste valeur et lui offrir un foyer chaleureux qu’il n’aurait pas découvert s’il n’avait pas été adopté par sa famille. On a envie de donner une chance à cet enfant et de l’aimer comme les autres.»

À découvrir, le clip My Hall In The Sky en hommage à l’adoption du duo Enjoysm, composé de deux frères adoptés dont l’un est autiste.


Anne-Florence Salvetti-Lionne

Autrice et journaliste, Anne-Florence est spécialiste des sujets parentalité, féminisme, bien-être et tourisme.

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