De la Mayenne à Tahiti: changement de vie pour cette famille pas comme les autres

Mathieu et Cindy sont les parents de trois garçons, dont l’aîné, Idriss, est porteur d'un handicap moteur causé par un accident domestique, suivi d’une erreur médicale, quand il avait 3 ans. Depuis près d’un an, la famille a tout quitté en métropole pour s’installer temporairement à Tahiti, et prendre le temps de voyager.

Le soir où tout a basculé

Il y a 9 ans, le soir du réveillon de Noël, alors qu’Idriss vient de fêter ses 3 ans, un terrible accident domestique se produit. « On allait partir pour le réveillon, il jouait, et il a tiré sur une petite console en fer forgé qui est tombée et l’a plaquée au sol. » explique Mathieu, son père. Les pompiers, appelés par les parents d’Idriss, l’emmènent à l’hôpital. « Il a passé un scanner qui a été complètement bâclé, ils disent ne pas avoir vu de fêlure cervicale. Il a passé trois jours au service pédiatrique, où le personnel de service n'avait pas les bonnes informations et le manipulait pour essayer de le mettre debout. »

Dès le premier jour, le petit garçon n’urine plus seul et ses jambes ne répondent plus. « À force de manipulations, il devenait un pantin, et ne bougeait plus que la tête. Au bout de trois jours, la pédiatre nous a renvoyé chez nous avec une ordonnance de paracétamol, et elle nous a dit qu’une fois qu’il verrait ses cadeaux, il les déballerait et ce ne serait plus qu’un mauvais souvenir. Je garde en mémoire cette image de lui allongé sur le canapé, avec les cadeaux posés sur son torse, incapable de bouger pour les ouvrir. »

Le lendemain, constatant que son fils n’a pas pu uriner depuis la sortie, Mathieu retourne, furieux, à l’hôpital. Il est reçu par une autre pédiatre qui, comprenant l’erreur qui a été faite, les transfère en urgence au CHU d’Angers, en neuropédiatrie. « On nous a expliqué qu’il avait une fêlure des cervicales C7/C8, et qu’à force de manipulations, un œdème s’était créé autour de la moelle pour la protéger. C’est comme une feuille de papier froissée qu’on voudrait relisser, c’est impossible. »

Après l’hospitalisation, Idriss, désormais tétraplégique, est resté un an en centre de rééducation. « J’étais salarié, j’ai arrêté de travailler pendant un an pour rester avec lui. C’était une chance de pouvoir l’épauler au quotidien, mon soutien fut primordial pour lui. En 6-8 mois il avait quasiment récupéré l’usage de ses bras, et de ses mains à 90 %. Aujourd’hui, il a totalement récupéré l’usage de ses bras, et même un début de ceinture abdominale récemment. » Le petit frère d’Idriss, Ayden, n’a alors que 3 mois. Cindy reste auprès de lui la semaine pour assurer le quotidien tout en travaillant, et ils échangent leurs places avec Mathieu le week-end.

Un procès est en cours. « On sera dans les procédures jusqu’à ses 20-22 ans, il faut attendre qu’il ait terminé sa croissance pour le calcul de ses indemnités. » Mathieu s’est mis à son compte, en tant qu’artisan peintre-décorateur, après cet accident. Une décision qui lui a permis d’avoir une certaine souplesse au niveau des horaires, afin de pouvoir accompagner Idriss lors de ses nombreux rendez-vous médicaux.

Une envie d’eaux turquoise

Artisans tous les deux, Mathieu et Cindy vivaient une vie bien remplie en Mayenne avec leurs trois fils, Idriss, 12 ans, Ayden, 9 ans et Lévy, 3 ans. Mais ils se sentaient surmenés, et las de leur quotidien.

Le couple, qui s’est marié en 2023, avait pour projet de partir en voyage de noces à Tahiti. Mais un jour, Mathieu suggère à sa femme une idée de plus grande ampleur. « Je lui ai proposé de tout vendre, et de partir à Tahiti pour un an ou deux. Sur le coup elle m’a dit non, mais quinze jours après elle était partante, on n’a qu’une vie ! »

La famille était déjà férue de voyages et avait emmené leurs enfants découvrir la Thaïlande ou Zanzibar. « On avait envie de leur faire découvrir de nouvelles choses, et de profiter des moments avec eux, en se disant que quand on en aurait marre on rentrerait. »

Depuis 8 mois, Mathieu, Cindy et leurs enfants vivent le rêve polynésien. « Nos journées sont rythmées par le quotidien, entre école à la maison, sport, plage, piscine, découvertes, moments de partages. Et dès qu’on peut on visite les îles alentours. »

Outre le manque de leurs proches, l’inexistence d’infrastructures adaptées à Idriss complique toutefois l’expérience de la famille, qui prévoit de rentrer en métropole courant 2025. En Mayenne, l’adolescent était accompagné par des clubs de karting, qui l’ont aidé à devenir le premier enfant tétraplégique de France de moins de 10 ans à pratiquer ce sport automobile en compétition. Excellant dans plusieurs autres sports, il est aussi repéré comme futur espoir handisport.

« Depuis qu’on vit ici, on a pris le relais pour l’entraîner quotidiennement dans un maximum de domaines sportifs. Mais ce n’est pas comme du coaching en club et il n’y a pas les copains. Il est temps de bientôt rentrer pour qu’Idriss retrouve ce cercle social et prépare ses projets, et que les enfants retrouvent leur quotidien. »

Lorsqu’elle retournera en métropole, la famille a pour objectif de s’installer en Gironde ou dans les Landes, afin de se rapprocher du pôle espoir handisport France de Talence. « On se doit d’aller proche d’une grande ville pour qu’il continue à évoluer et à s’épanouir dans le domaine du sport. Il pourra intégrer un club handisport avec plus de licenciés que dans celui où il était avant. Et pour 2026, il a pour projet de devenir le premier enfant handicapé de France de moins de 15 ans à participer au championnat de France de karting ! Mais pour cela, il faut beaucoup d’entraînement, de démarches, et d’autorisations à obtenir. »

Si les premières années après son accident, Idriss devait supporter des coups d’œil insistants et des questions invasives, il récolte désormais des regards admiratifs. « Les gens sont épatés de son autonomie et de son potentiel physique, de ce qu’il fait avec son fauteuil. Il rayonne, on voit qu’il est heureux ! »

Passion californienne

La famille a également profité de cette année au bout du monde pour découvrir davantage un pays qu’ils adorent, les États-Unis. Pendant 7 semaines, à l’automne dernier, ils ont exploré en profondeur la Californie, de San Francisco à San Diego, en passant par Los Angeles et son parc Disneyland. 

« On est ensuite allés au Texas, près de Dallas, pour rencontrer l’équipe de basket fauteuil de l’université d’Arlington (UTA). Les universités sportives américaines ont des moyens financiers énormes, que ce soit pour les handis ou les valides. On a été présentés par notre ami Guillaume qui gère les entreprises Per4max et Whill France, et qui a été sportif dans cette université. Idriss a pu faire quelques balles avec eux, ils lui ont offert un sweat de l’université, on a été super bien reçus ! »

La suite du séjour leur a fait découvrir la côte Est, de Miami jusqu’à New York, en passant notamment par Washington, et Norfolk en Virginie, où ils ont pu assister à un show de monster trucks, la passion de leur petit dernier. Puis la famille est retournée à l’Ouest pour assister à une course automobile de NASCAR à Las Vegas, et découvrir les grands parcs nationaux alentours. « On a campé dans une yourte dans le désert du Grand Canyon, avec juste un feu de bois, pas d’eau, pas d’électricité, c’était génial ! »

Avant de rentrer en métropole, Mathieu, Cindy et leurs enfants passeront à nouveau deux semaines au pays de l’Oncle Sam, en Californie et en Arizona. « On a besoin de reprendre une bouffée de grosse civilisation urbaine avant de rentrer. Ce sera un séjour détente ! » Puis ce sera l’heure de préparer le retour en métropole, et de remettre en place un suivi médical et paramédical pour Idriss.

« C’est une expérience incroyable, que l’on souhaite de vivre à chaque famille ! » confie Mathieu, qui partage avec Cindy leur aventure sur les comptes Instagram @notrefamille_notrehistoire et @my_garden_is_the_world. « On se rend compte que le temps passé avec ses enfants est la plus belle richesse qu’on puisse avoir. Il faut profiter de chaque seconde avec eux, la vie est courte et surtout imprévisible. »

Anne-Florence Salvetti-Lionne

Autrice et journaliste, Anne-Florence est spécialiste des sujets parentalité, féminisme, bien-être et tourisme.

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