Au Musée des Arts décoratifs, les peluches sortent du lit pour entrer en scène.
On entre dans l’exposition “Mon Ours en Peluche” comme on entrerait dans une chambre. Une chambre vivante, habitée, où des doudous s’empilent sur les étagères, débordent des fauteuils, s’alignent en silence, les yeux grands ouverts.
Des ours en peluche, principalement. Plus de 400, rassemblés avec soin par le Musée des Arts décoratifs pour raconter un siècle de compagnonnage enfantin. Du tout premier ours articulé fabriqué en Allemagne aux peluches pop des années 2000, c’est un pan entier de notre mémoire collective qui prend forme, moelleuse et dense.
Mais ce n’est pas une expo nostalgique. C’est une expo qui regarde l’enfance à hauteur de peluche. Mais au-delà de la tendresse rétro, elle interroge sur ce qu’un doudou représente. Pendant près d’un siècle, la peluche a tout vu : les nuits blanches, les rendez-vous médicaux, les longues attentes, les absences, les séparations, les retrouvailles.
Le doudou comme témoin du soin
Dans une vitrine, un ours un peu abîmé, couture visible, corps trop aimé. C’est celui de Toudou, prêté par l’association PharmaVie, à l’origine du dispositif “L’Hôpital de mon doudou”. Un programme peu médiatisé, mais essentiel, qui accompagne les enfants hospitalisés en leur proposant de faire soigner leur doudou avant — ou à la place — d’eux-mêmes.
Une manière de détourner le stress. De prendre un peu de distance. De transformer l’acte médical en jeu symbolique, mais pas naïf.
”Voir Toudou & Super Toudou exposés aux côtés des ours en peluche emblématiques au Musée des Arts Décoratifs est une immense fierté pour notre association. Cette reconnaissance témoigne du rôle essentiel que joue cette peluche dans le parcours des enfants hospitalisés. Toudou est bien plus qu’un simple jouet : il est un compagnon, un soutien dans les moments difficiles, un sourire au cœur d’un quotidien médicalisé.” explique la présidente de l’association, Marie-Claude Santini.
On comprend vite que derrière cette douceur, il y a une vraie intelligence du soin.
Une expo accessible, sans détour
Le parcours est fluide, pensé pour laisser de la place aux fauteuils, aux poussettes, aux pas hésitants. Pas d’escaliers dissimulés ni de seuils mal anticipés. Les bancs sont nombreux, la lumière douce, le son maîtrisé. On n’est pas dans une mise en scène infantilisante, mais dans une scénographie pensée pour que chacun puisse voir, s’approcher, prendre le temps.
Un livret en FALC (facile à lire et à comprendre) est disponible à l’accueil. Et l’on voit bien que ce n’est pas un gadget : il est utilisé par des enfants, mais aussi par des adultes.
On en ressort un peu changé
Ce n’est pas qu’une “expo pour enfants”. C’est une exposition sur ce que l’enfance laisse derrière elle — ou garde contre elle, selon les jours. Un doudou, c’est ce qu’on serre quand tout s’effondre, ce qu’on jette parfois avec violence, ce qu’on retrouve dix ans plus tard, dans une boîte, et qui nous arrache les larmes.
Et pour un enfant handicapé ou hospitalisé, un doudou n’est jamais juste un objet mou. C’est un prolongement, un intercesseur, et un appui. Ici, au fil des ours en peluche, c’est tout cela qui affleure: une tendresse exigeante. Un regard posé sans condescendance.
On pensait venir pour sourire. On repart, touché, étonnamment réconcilié.
Infos pratiques
du 4 décembre 2024 au 29 juin 2025
Musée des Arts Décoratifs
107, rue de Rivoli
75001 Paris
Tél. : +33 (0)1 44 55 57 50
Métro : Palais-Royal, Pyramides ou Tuileries
Bus : 21, 27, 39, 68, 69, 72, 95