Comment parler de la différence à son enfant ?
Dans un monde où la diversité humaine est immense, parler de la différence avec les enfants n’est pas une option : c’est une responsabilité éducative. Et parmi ces différences, le handicap – qu’il soit visible ou non – reste l’un des sujets les plus évités, souvent par peur de mal faire. Pourtant, les enfants sont curieux, observateurs, et en quête de sens. Leur offrir des clés de lecture adaptées à leur âge, c’est leur permettre de grandir avec plus d’ouverture, de respect et de bienveillance.
Pourquoi en parler ?
Aborder la différence, et notamment le handicap, dès le plus jeune âge est un acte éducatif essentiel. Cela permet aux enfants de développer très tôt une capacité d’empathie, de compréhension de l’autre et de tolérance face à ce qui sort de la norme. Selon l’UNESCO (2020), l’éducation à la diversité humaine favorise des comportements plus bienveillants et réduit les risques de rejet ou de moquerie. En parlant ouvertement du handicap, on lutte aussi contre les stéréotypes et les idées reçues qui s’installent souvent dans le silence. C’est un levier puissant pour construire une société moins excluante – à l’école, dans les loisirs, dans la rue – comme le défend la Convention relative aux droits des personnes handicapées de l’ONU (2006). Parce qu’un enfant sensibilisé devient un adulte qui respecte.
Un enfant qui comprend ce qu’est une différence – sensorielle, physique, cognitive, sociale – ne s’en moque pas. Il apprend à la reconnaître sans juger, à poser des questions sans gêne, à s’adapter avec naturel.
Mais que dire… et à quel âge ?
Avant 3 ans : le langage du regard et du corps
À cet âge, les enfants observent énormément, posent peu de questions verbales, mais sont très sensibles à l’attitude de leurs parents.
À faire :
Montrer la diversité dans les livres, les jouets, les émissions.
Nommer simplement ce qu’ils voient : “Tu as vu, cette petite fille a une chaise qui roule. C’est son fauteuil roulant, il l’aide à se déplacer.”
À éviter :
Détourner le regard ou faire taire la curiosité. Cela peut transmettre que la différence est gênante ou taboue.
Entre 3 et 6 ans : l’âge des grandes questions
C’est l’âge où les enfants posent des questions à voix haute, parfois gênantes, dans la rue ou au parc.
Exemples de phrases :
“Pourquoi il parle pas le monsieur ?”
“Il communique autrement. Certaines personnes utilisent leurs mains, leurs yeux ou une tablette pour se faire comprendre.”
“Pourquoi elle a une machine ?”
“C’est une machine pour respirer/manger/marcher plus facilement. Chaque corps est différent, et parfois il a besoin d’un peu d’aide.”
À faire :
Répondre avec des mots simples et vrais.
Utiliser des analogies (comme des lunettes pour mieux voir).
À éviter :
Dire “ce n’est pas poli” sans répondre à la question : mieux vaut répondre d’abord, puis expliquer la politesse.
Entre 6 et 10 ans : l’empathie en construction
À cet âge, les enfants commencent à se comparer, à développer une conscience plus fine des émotions, de la justice et des inégalités.
Exemples de phrases :
“Tu sais, certaines personnes ne peuvent pas marcher ou parler comme nous, elles font à leur façon. Ce n’est pas parce qu’on est différent qu’on est moins bien.”
“Si dans ta classe un enfant ne parle pas, tu peux quand même jouer avec lui. Tu peux lui sourire, lui montrer ce que tu fais, essayer de jouer à sa manière.”
À faire :
Lire ensemble des livres ou regarder des films avec des personnages handicapés (voir ressources ci-dessous).
Encourager l’ouverture : “Qu’est-ce que tu en as pensé ? Est-ce que tu as des questions ?”
À éviter :
Minimiser la différence : “Il est comme tout le monde.” Non, il est comme lui-même, et c’est ça qu’il faut valoriser.
À partir de 10 ans : vers une réflexion critique
Les enfants sont capables de comprendre les enjeux sociaux, les injustices, les représentations médiatiques.
Exemples de discussions :
“Tu as remarqué qu’on ne voit presque jamais de personnes handicapées dans les films ou les pubs ? Pourquoi tu penses que c’est important qu’on les voie aussi ?”
“Tu sais que certains enfants ne peuvent pas aller dans certaines écoles, car elles ne sont pas accessibles ? Est-ce que tu trouves ça juste ?”
À faire :
Encourager les discussions plus complexes.
Parler de validisme, d’inégalités, de droits.
5 principes clés pour les parents
Accueillir les questions sans jugement. Ce n’est pas “gênant”, c’est naturel.
Nommer les choses. Dire “handicap”, “autisme”, “fauteuil roulant” n’est pas un gros mot.
Valoriser la richesse de la différence : en montrant que chaque personne, quel que soit son corps ou son fonctionnement, a une valeur.
Donner l’exemple. Si vous abordez les différences avec bienveillance, vos enfants feront de même.
Reconnaître ce qu’on ne sait pas. Et chercher ensemble. “Je ne sais pas pourquoi cet enfant a ce comportement, on peut se renseigner.”
Ressources utiles
Livres jeunesse :
Mon petit frère de la lune de Frédéric Philibert
La petite casserole d’Anatole d’Isabelle Carrier
Super Sourde de Cece Bell
Séries et films :
Pablo
A Kind of Spark
Loop (Pixar) : court-métrage sur une ado non verbale