Christelle et Anna: se battre pour le bon diagnostic
Lorsque Anna naît en 2014, et qu’on lui pose sur le ventre, Christelle sent que quelque chose ne va pas. Pourtant, vont démarrer des années d’errance médicale avant de pouvoir poser, enfin, un diagnostic fiable. Depuis 10 ans, Christelle se bat pour se faire entendre et pour faire une place à sa fille dans la société. Aujourd’hui, c’est à la campagne qu’ils vivent à quatre, pour aspirer à plus de sérénité.
Crédits photos: Juli Etta pour All Kids Are Cool Kids
Une longue errance médicale
« J’ai su que quelque chose n’allait pas quand on m’a posé Anna sur le ventre. » confie Christelle. « J’étais très angoissée, je me suis mise à pleurer. Elle ne pleurait pas, elle ne regroupait pas ses mains. » Pourtant, l’équipe en salle de naissance tente de la rassurer, et de lui dire que tout va bien. La visite du pédiatre se passe également bien, mais Christelle reste sur ses gardes.
« J’avais besoin d’être rassurée chaque mois chez le pédiatre. C’était compliqué pour Anna de téter, puis elle est restée à l’alimentation moulinée jusqu’à très tard. Elle ne marchait pas, ne jouait pas, n’attrapait pas ses jouets, ne portait rien à sa bouche, elle pouvait rester longtemps assise sans rien faire. Mais le pédiatre disait que tout allait bien, que certains enfants ont juste besoin de plus de temps. »
Dès le début de la vie d’Anna, une errance médicale se met en place, entraînant des retards de diagnostic. La petite fille ne supporte également pas d’être approchée par d’autres personnes que ses parents. « Elle mettait sa tête dans ses bras et s’arrachait les cheveux, jusqu’à plus de 2 ans. On nous disait qu’elle était peut-être timide, il y avait toujours une explication. »
Car Anna est également, depuis toujours, une enfant très souriante, qui ne fuit pas le regard, ce qui ne rend pas son diagnostic évident pour les professionnels de santé. Sa première prise en charge se fait à sa rentrée à l’école maternelle, alors qu’elle a 3 ans et ne parle pas encore.
Christelle et Anna
« J’en ai tout de suite parlé à sa maîtresse, qui m’a rassuré en me disant que beaucoup d’enfants ne parlent pas en rentrant à l’école. Mais peu de temps après, elle m’a attrapé un soir en me disant de consulter le plus vite possible. Elle a été très violente en me disant que ma fille était autiste, sans diagnostic de posé. Ça a été un choc, et j’ai tout de suite lancé la machine, pris des rendez-vous pour des bilans neuropédiatre et pédopsychiatre. »
Anna est alors encore trop petite pour qu’un diagnostic soit posé. Mais elle a pu bénéficier d’un suivi en orthophonie, psychologie et psychomotricité en libéral.
Les diagnostics successifs
C’est à ses 6 ans qu’un premier diagnostic est posé, afin d’ouvrir un dossier auprès de la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH). « On nous a dit qu’elle avait une déficience intellectuelle légère, avec un retard évalué à 3 ans, et un trouble du langage très important. 3 ans plus tard, à ses 9 ans, on nous a redit la même chose. »
Anna par Juli Etta
Christelle reste pourtant persuadée que cela ne correspond pas exactement au profil de sa fille, et se bat pour se faire entendre. « Elle avait un comportement très atypique, qui n’est pas celui d’enfants présentant un trouble du développement intellectuel. Je me suis documentée, j’ai interrogé d’autres mamans d’enfants comme Anna, qui eux étaient diagnostiqués avec un autisme léger ou modéré. Je ne comprenais pas pourquoi on s’était arrêté sur ce diagnostic pour ma fille, sans volonté d’aller chercher plus loin. Tout le monde me disait que son comportement allait avec son retard, alors que c’est le contraire ».
La petite fille répète plusieurs fois la même chose, se balance beaucoup, a toujours besoin d’un objet rassurant dans ses mains, est très anxieuse, a besoin de rituels stricts pour ne pas paniquer, et a notamment une sensibilité importante touchant tous ses sens. « Il lui faut des vêtements pas trop larges, il faut couper les étiquettes, avant de se doucher il faut qu’elle tourne cinq fois autour de la baignoire avant que je ne fasse couler l’eau. » explique Christelle.
Ce n’est finalement que très récemment qu’Anna a pu avoir un diagnostic final. « On m’a conseillé d’envoyer un dossier au Centre Ressources Autisme (CRA) de Nice, ce que j’ai fait à l’été 2023. Deux mois plus tard, Anna a été diagnostiquée pour trouble du spectre de l’autisme, avec un autisme modéré. C’est une petite fille très avenante et souriante, qui va vers les gens, mais le neuropédiatre a creusé au-delà. Il a notamment été interpellé par le fait qu’elle range les objets dans l’ordre au lieu de jouer avec. »
Charlie et Anna
Une vie chamboulée
Dès la petite section de maternelle, la scolarité d’Anna a été adaptée, et elle a rejoint une classe ULIS. « Elle n’allait en classe que le matin, car la sieste était trop compliquée. Les nuits aussi. Je ne pouvais pas avoir un emploi, j’ai même fait une dépression, on a été très mal orientés et pas soutenus par les soignants. »
La vie de Christelle s’en voit chamboulée, mais cela touche également son couple et sa vie de famille. « Je me suis focalisée sur ma fille uniquement, et tout ce qu’il fallait mettre en place pour l’aider, je ne vivais qu’autour de ça. Puis sa petite sœur Charlie est arrivée, la grossesse a été horrible, j’avais peur qu’elle soit touchée par la même chose. »
Charlie, la petite soeur d’Anna.
Aide-soignante de métier, Christelle a tenté de reprendre un poste il y a quelques années. Mais son absence au réveil était violente pour Anna, qui a besoin de rituels sans changements. Elle a arrêté au bout d’un mois, puis la directrice de l’école de sa fille lui a suggéré de devenir Accompagnante des élèves en situation de handicap (AESH).
Depuis quelques mois, Christelle travaille donc en tant qu’AESH dans une école proche de celle de ses filles. Ce métier lui permet d’être à la maison en même temps qu’Anna, afin de ne pas la perturber et de préserver ses habitudes. Elle est ravie de travailler avec des enfants, mais la relation à l’équipe éducative est plus complexe. « Comme les enfants en situation de handicap, il faut être accepté et faire sa place. On se sent de trop pour certains enseignants, qui nous demandent de se mettre au fond de la classe et à ce que l’enfant ne fasse pas de bruit. »
Des projets pour l’avenir
La petite famille qui vivait à Antibes, a déménagé il y a quelques temps pour s’installer à la campagne et aspirer à plus de tranquillité au quotidien. « On aime être à l’extérieur, les filles jouent beaucoup dans le jardin, font du vélo et ne rentrent que pour manger. On a une chienne depuis l’an dernier, et elles sont très proches d’elle, surtout Anna. On fait des balades en bord de lac avec elle. Anna et Charlie font aussi de l’équitation toutes les deux. »
Si Christelle a pour projet professionnel de se former à la sophrologie afin d’aider les enfants en situation de handicap, et de travailler en centre de cancérologie, le couple a aussi un beau projet commun. « On aimerait construire un cabanon sur notre terrain, pour Anna et Charlie quand elles seront plus grandes. On le louerait dans un premier temps puis il serait pour elles. Cela nous tient vraiment à cœur, pour avoir Anna à côté de nous au cas où il lui serait trop difficile d’être seule dans un logement. »
La famille aimerait également bientôt partir en vacances au soleil. « Anna n’est pas autonome du tout, il faut l’orienter et la rassurer sans arrêt, aller aux toilettes avec elle par exemple. Mais la logistique et les déplacements deviennent plus simples, c’est pour cela qu’on envisage désormais des vacances. »
Photos par Juli Etta @juli_etta._