Comment faire comprendre le consentement à un enfant handicapé ?
Alors que de nombreuses études montrent que les violences sexistes et sexuelles (VSS) touchent davantage les femmes et les enfants en situation de handicap, apprendre dès que possible à sa progéniture à respecter les règles du consentement est primordial. Oui, mais comment bien le faire ? Une sexologue nous guide sur la question.
Actualité brûlante sur le sujet oblige, le consentement est une notion dont on entend de plus en plus parler. Elle n’en reste pas moins floue au regard de nombreuses personnes, et notamment chez les parents. Difficile de savoir quoi dire à son enfant, dont on aimerait préserver l’innocence, tout en voulant bien sûr le protéger des potentiels dangers.
Selon la loi (5 mars 2007), la protection des personnes est en lien avec un système de consentement gradué, selon qu’on soit mineur de plus ou moins de 15 ans, apte à exprimer clairement ou non son consentement. Sachant que selon la Convention des droits de l’enfant, « les enfants en situation de handicap sont sujets – au même titre que n’importe quel autre enfant – à avoir accès à : un droit aux soins, à l’éducation, aux loisirs et un droit de participation ». En avril 2015, la Commission nationale consultative des droits de l’Homme a quant à elle suggéré dans un avis sur le consentement des personnes vulnérables que « le consentement est une manifestation de volonté qui permet de porter à la connaissance d’autrui sa propre volonté ».
Nadia Morand, sexologue clinicienne et formatrice spécialisée en santé sexuelle des personnes handis, tranche plus clairement le dilemme. « S’il n’est ni nécessaire ni conseillé de chercher à anticiper tous les sujets ou d’être alarmiste, donner à son enfant les moyens de communiquer est essentiel. Or, si la peur et l’ignorance ne protègent pas du danger, l'éducation oui ! » indique cette experte des questions de santé sexuelle et validisme.
« Dans le cas des enfants handis, inculquer la culture du consentement, c’est leur montrer qu’on leur reconnait la capacité de faire des choix par eux-mêmes et pour eux-mêmes, ainsi que d’être entendus. Mais cela implique aussi le consentement de l’autre pour son propre corps » estime la sexologue.
Le consentement, sujet complexe...
Selon Nadia Morand, pour être cohérents, les consentements devraient être RÉELS :
Réversible : on doit pouvoir donner son accord, puis le retirer à tout moment.
Éclairé : on sait à quoi à quoi on s’engage et les conséquences possibles.
Enthousiaste : on donne son accord par envie, pas par contrainte ou pour faire plaisir.
Librement donné : la coercition ou l’obligation ne sont pas entendables.
Spécifique : le consentement peut être donné pour tel geste et pas un autre.
Derrière la notion de consentement, il y a avant tout l’affirmation de soi, qui part du principe qu’on doit pouvoir se respecter et être respecté, tout en respectant autrui. Bien sûr, cela ne veut pas dire qu’il faille céder à tous les désirs d’un enfant, et notamment quand cela peut mettre sa vie ou celle des autres en danger. « Mais si le “non” est toujours possible quand on représente la figure de l’autorité, il devrait être dit en étant accompagné d’explications : “non, on ne peut pas traverser quand le bonhomme est rouge, parce qu’on risque de se faire renverser par une voiture et c’est valable pour toi, comme pour moi”. Dès lors qu’il comprend pourquoi c’est “oui” ou “non”, l’enfant comprend la consigne tout en constatant que cela n’a rien à voir avec de l’abus de pouvoir.
« Concernant les enfants handicapés, le consentement doit pouvoir dépasser deux freins : celui de l’âge (il est plus difficile de dire non à un adulte, dont on croit qu’il a forcément plus d’autorité ou de pouvoir) et du validisme (qui fait subir aux handicapés le pouvoir des valides sur eux) » insiste Nadia Morand.
Le consentement au quotidien
Chez les enfants handicapés, aborder le sujet du consentement dès le plus jeune âge sera d’autant plus important qu'il sera présent dans de nombreux moments de leur vie quotidienne. S’ils doivent faire l’objet d’un suivi médical accru et/ou de soins quotidiens (traitements, aide à la toilette...), ils doivent pouvoir comprendre ce qui est admissible ou non, dire ce pour quoi ils sont d’accords ou pas d’accords, nommer les parties du corps qu’ils.elles acceptent que l’on touche ou non...
Chez l’enfant, et qui plus est porteur de handicap, le consentement concerne bien sûr le rapport au corps, l’intimité et la sexualité, mais il est aussi le moyen d’exprimer ses émotions, de témoigner de ce qui procure de la joie et du plaisir, ce dont on a envie ou pas, les plats qu’on adore et ceux dont on se passe aisément...
Si l’on part du principe que le consentement soutient progressivement l’auto-détermination de l’enfant, on s’accorde alors sur le fait qu’il n’y ait pas d’âge idéal pour en parler. « Il s’agit juste de placer le curseur en fonction de son âge et de ses capacités » précise Nadia Morand.
Dès le plus jeune âge, nommer expressément les choses, décoder le langage du plaisir et du déplaisir sont possibles et recommandés. « Quand l’enfant entre dans la fameuse phase du « non » vers l’âge de 2 ans, c’est l’occasion parfaite pour lui montrer que c’est une façon s’exprimer très clairement sur ce qu’il veut ou ne veut pas, sur ce qu’il est possible de faire ou de ne pas faire » explique la sexologue. Prenons l’exemple typique de la bise : il est important de lui expliquer que de dire bonjour, au revoir et merci est indispensable, mais qu’en revanche, il n’est en aucun cas obligé de le faire en faisant un bisou s’il n’en a pas envie. « Pour moi, on est clairement sur les débuts de l’apprentissage au consentement » estime Nadia Morand.
Le consentement est aussi une affaire de contextes à distinguer. « On peut par exemple expliquer à l’enfant pourquoi c’est normal d’être tout nu dans la salle de bains et pourquoi c’est bien moins acceptable dans le salon, surtout quand on est une maman, un papa – un adulte en somme ! » explique Nadia Morand, qui est aussi membre du collectif Les Dévalideuses (Association Féministe Anti-validiste). En revanche, écouter les choix de l’enfant quand il s’agit de déterminer s’il va porter un pantalon rouge ou bleu, manger des choux de Bruxelles ou des carottes, est primordial. Soyons clairs, pour nous adultes, la finalité est assez dérisoire. Mais à travers ces expériences quotidiennes où il est écouté, l’enfant se sent en confiance et constate que ses choix sont respectés, ce qui facilite ensuite la capacité à exprimer son consentement dans des contextes plus intimes.
Consentement et sexualité
On les sous-estime souvent, mais les enfants ont la capacité de sentir quand une situation n’est pas acceptable et de déterminer lorsque ses propres limites sont dépassées. Pourtant, ils ne l’expriment pas toujours par peur de ne pas être crus et vers l’âge de 3-4 ans, si cette capacité n’est pas soutenue, il finit par la désapprendre ou à l’exprimer autrement, par de la colère notamment.
Pour l’enfant, ce qui sera déterminant dans une situation inappropriée vécue, c’est de savoir qu’ils peuvent être entendus et soutenus par des adultes qu’ils voient comme des « personnes ressources » qui vont agir pour les protéger des prédateurs. Sentir que ces personnes entendent leurs émotions et cherchent à les comprendre (« qu’est-ce qui te fait ressentir de la colère ») est donc fondamental.
En pratique, comment parler du consentement ?
Gêne à aborder certains sujets, difficultés à s’exprimer, manque de connaissances... si elle est importante, il n’en reste pas moins que la notion de consentement peut s’avérer difficile à aborder. Selon notre propre rapport au corps, l’éducation reçue, n’avons pas tous la même facilité à parler de ces sujets. « Autorisez-vous à écouter les questions posées par les enfants, même si elles sont parfois surprenantes ou inattendues » indique Nadia Morand, qui conseille de « questionner les enfants en retour pour comprendre son avis sur la question. Cela permet d’adapter la réponse donnée ensuite, car on charge parfois leurs questions d’intentions qui ne sont en fait pas du tout les leurs ». Quant aux sujets liés au corps (l’hygiène, les soins médicaux, l’intimité...), on peut profiter du bain pour nommer les parties du corps : les cheveux, la tête, sous les bras, les fesses, expliquer qu’on se lave du plus propre au plus sale... C’est d’ailleurs idéal pour instaurer une transition en douceur vers une parfaite autonomie. Mais, « si vous n’êtes pas à l’aise avec l’idée de montrer sur votre propre corps ou celui de l’enfant, utilisez une poupée anatomiquement correcte (poupées Matassa par exemple) ou des dessins réalistes (on trouve de nombreux supports sur le site santébd.org) ».
Consentement et handicap
« Ce n’est pas parce qu’il y a un handicap qu’on peut court-circuiter le consentement de l’enfant » estime Nadia Morand, elle-même concernée par le sujet, car handicapée de naissance. Selon la spécialiste, « si la communication verbale n’est pas possible, on peut s’appuyer sur d’autres outils de communication pour entendre le consentement de l’enfant : la communication alternative améliorée, la langue des signes, l’utilisation de pictogrammes... Il est aussi possible de reconnaitre les moments où l’enfant consent à travers d’autres contextes : les manifestations de plaisir ou dégoût face à l’alimentation, le choix des vêtements... ».
« Faire participer autant que possible et le plus tôt possible un enfant handicapé à ses soins est une transition idéale pour le faire gagner en autonomie sur son corps et ensuite comprendre le consentement », estime la sexologue. Cela passe par inciter l’enfant à se laver lui-même s’il le peut ou par le fait de lui demander de remonter son sexe et de tenir ses testicules pour le cas d’un garçon, quand on doit lui mettre un suppositoire en limitant les contacts » conseille Nadia Morand.
À lire sur le sujet :
Pour les enfants :
- Le petit illustré de l'intimité de la vulve, du vagin, de l'utérus, du clitoris, des règles ou Le petit illustré de l'intimité du pénis, des testicules, du scrotum, du prépuce, des érections, etc. de Mathilde Baudy et Tiphaine Dieumegard (Éditions Atelier De La Belle Étoile, 17€).
- Qui s'y frotte s'y pique ! ou Comment Mimi a appris à dire non, Marie-France Botte et Pascal Lemaître (Éditions L'Archipel, 6,90€).
- Ça suffit les bisous !, Pascal Bruckner et Jean-Pierre Kerloc'h (Éditions P’tit Glénat, 13,50€).
- Petit Doux n’a pas peur, Marie Wabbes (Éditions La Martinière Jeunesse, 13,90€).
- Respecte mon corps, Dr Catherine Dolto (Éditions Gallimard Jeunesse, 6,90€).
- Te laisse pas faire - Les agressions et les abus sexuels expliqués aux enfants, Jocelyne Robert (Éditions de l’Homme, 12,90€).
Pour les pré-ados/ ados :
- Le petit illustré de l'intimité, de la sexualité, de la contraception, des IST, du consentement, etc., de Mathilde Baudy et Tiphaine Dieumegard (Éditions Atelier De La Belle Étoile, 17€).
- Corps, amour, sexualité : les 120 questions que vos enfants vont vous poser, Charline Vermont (Éditions Albin Michel, 16,90€).
Pour les parents :
- Le consentement : principe d’accompagnement de l’enfant en situation de handicap, Isabelle Poirot-Jarot (Éditions Chronique Sociale, 12,90€).
À contacter :
Les centres Intimagir qui peuvent aider les parents et proposer des ressources sur les questions de handicap et de santé sexuelle.