Maman, est-ce que tu es contente d’avoir un enfant autiste ?

Chantal Schmitt, 52 ans, est sociologue et mère de 3 enfants: Paul (15 ans), Agathe (14 ans) et Hector (11 ans). Son petit dernier est autiste. Au-delà de son statut de mère d'un enfant différent, Chantal explore les nuances universelles de la maternité. Elle évoque les doutes, les remises en question, les joies immenses et les petits bonheurs du quotidien qui façonnent l'identité de chaque mère. Son témoignage devient ainsi une ode à la résilience et à la force intérieure que puisent les femmes dans l'amour inconditionnel qu'elles portent à leurs enfants. Retrouvez son édito en exclusivité sur All Kids Are Cool Kids.

Depuis longtemps, très longtemps et aujourd’hui encore, Hector, mon fils de 11 ans, me pose une question le soir, au moment où je borde son lit. Il me demande « Maman, tu aimes le métier d’être maman ? ». Cette question, je l’ai d’abord prise sérieusement. Hector voulait certainement que je le rassure sur ma capacité à toujours aimer mon rôle de mère dans le temps.

Puis, la question s’est répétée de façon automatique, elle est devenue une forme d’interrogation unique et rituelle à laquelle Hector attendait que je réponde. De temps en temps, il changeait sa formulation, mais celle-ci portait toujours sur mon engagement de mère. Par exemple « Maman, à quel moment est-ce que tu es devenue ma maman ? » etc.

J’essayais de varier dans le ton des réponses données, tantôt en l’abordant d’un point de vue « scientifique », tantôt avec le cœur ou avec humour. Je savais l’importance de certains rituels pour les enfants, et pour lui en particulier, enfant avec autisme.

Un soir, qui ne semblait pas différent des autres, Hector m’a demandé s’il pouvait me poser une question. J’ai probablement soupiré, lasse, fatiguée ou habituée, mais je lui ai dit, « Vas-y, pose-la moi, ta question »

 Il m’a alors demandé : « Maman, est-ce que tu es contente d’avoir un enfant autiste ? » Outch… Je ne m’y attendais pas à celle-là. Comment répondre à ça ? Jamais je ne m’étais posé la question en ces termes. Mais maintenant qu’elle était formulée de manière aussi explicite, comment y répondre avec justesse ? Et comment lui répondre ?

Évidemment que je suis ravie d’être maman. Avec David, nous avons désiré chacun de nos enfants. L’annonce de l’autisme d’Hector a été un tremblement de terre dans nos vies, dans notre famille. Mais après ce choc, il a fallu apprendre ce qu’était l’autisme et surtout, apprendre à vivre avec. Et pour moi, il a fallu apprendre à être la maman d’un enfant différent.

J’ai découvert le « métier d’être maman » avec Paul, l'aîné de la fratrie. Je suis entrée dans la parentalité certainement de manière dogmatique, avec beaucoup de convictions provenant de mon vécu et de tout ce que j’avais lu ou entendu. J’avais des idées préconçues sur ce qu’était une « bonne » mère, sur ce qu’il fallait faire ou non, dire ou non, accepter ou non. Je suis devenue avec lui, une mère pétrie de certitudes. Agathe a tout de suite été une enfant « facile » qui a su s’ajuster à moi. Je me posais beaucoup moins de questions avec elle. La parentalité était devenue une espèce d’évidence. Elle faisait de moi une mère détendue, épanouie, décomplexée.

Quand est arrivé Hector, très vite j’ai compris que ce je faisais avec Paul ou Agathe ne fonctionnerait pas avec lui. Avec lui, rien ne pouvait être évident. Tout devait être questionné, réfléchi, essayé. Il n’y avait pas de réponse-type possible mais tout devait s’inventer avec et pour lui.

Comment gérer ses besoins de flappings ou ses comportements étranges, au square, dans la rue ou à l’école ? Comment le protéger des moqueries, comment assumer le regard des adultes ? Comment l’aider à faire face avec sa différence, tellement visible aux yeux des autres ?

Comment réussir à gérer ses oppositions, fréquentes, et éviter ses crises ? Cela m’a demandé du temps et des recherches pour comprendre d’abord ce qui se passait à ce moment-là pour lui ; ensuite pour trouver une réponse adaptée. J’ai donc mis en place un système de récompense (les fameux renforçateurs) lorsqu’il avait réussi à adopter le bon comportement. Mais au-delà, ses oppositions m’ont questionnées sur le sens et l’importance de ce que j’attendais de lui. Et dans la mesure où il me montrait que certaines de mes attentes étaient difficiles à atteindre pour lui, ne l’étaient-elles pas aussi pour mes autres enfants, qui ne l’exprimaient pas comme lui ? Étaient-elles vraiment indispensables ? 

Tout cela m’a amené à réfléchir à ce que je faisais en tant que mère, à ce que je croyais, à ce qui était le fruit de convictions pour moi alors que finalement, elles n’étaient jamais ni complètement justes, ni complètement adaptées, ni complètement réfléchies.

Ainsi, au fil des années, j’ai mis en place un certain nombre de choses pour Hector qui ont été utiles au quotidien de tous mes enfants : des plannings visuels, des repères clairs, des règles explicitement formulées, etc.

Alors oui, je crois que je peux le dire ainsi, le métier d’être maman d’un enfant autiste est compliqué, épuisant, chaque jour, mais il est aussi une opportunité de se remettre en question, de considérer le fait d’être mère, avec une autre attention. J’ai donc pu répondre à cette question d’Hector. « Est-ce que je suis contente d’avoir un enfant autiste ? »

 - Oui, car grâce à toi, j’ai pu devenir une maman différente, sûrement meilleure que je ne l’étais avant.

Chantal Schmitt

Chantal Schmitt

Sociologue, mère de 3 enfants dont un porteur d’autisme

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