Les conditions génétiques sont-elles des maladies ?

Le 28 février, c’est la Journée mondiale des maladies rares, et une question centrale mérite notre attention : toutes les conditions génétiques sont-elles des maladies ? C’est un débat fascinant entre science, éthique et philosophie.

D’un côté, une maladie vient du latin male habitus, qui signifie « être en mauvais état ». Elle évoque un dysfonctionnement, un déséquilibre dans le corps qu’il faut soigner ou traiter. Une condition, du latin condicio, renvoie plutôt à une situation ou un état particulier de l’être. Il peut s’agir d’une particularité génétique qui n’entraîne pas de pathologie grave. La frontière est parfois floue.

Le point de vue des chercheurs

Les généticiens, comme Jean-Louis Mandel, reconnu pour ses travaux sur les maladies génétiques rares, expliquent que certaines conditions génétiques ne causent pas forcément de maladies. Prenons l'exemple du syndrome de Down : il s'agit d’une trisomie 21, une condition génétique où une personne a un chromosome supplémentaire. Bien qu’elle entraîne souvent des retards de développement et des difficultés cognitives, il ne s'agit pas d’une "maladie" au sens strict du terme. Il s'agit plutôt d'une variation de l'espèce humaine, une autre manière de vivre et d'être.

Un autre exemple est celui des systèmes de mutations génétiques qui, loin de rendre une personne malade, peuvent la rendre simplement différente. Le système de mutation du gène CFTR, responsable de la mucoviscidose, est une maladie rare, mais de nombreuses personnes porteuses de mutations de ce gène ne développent pas de symptômes graves.

Certains scientifiques insistent sur cette distinction : la génétique ne mène pas toujours à une « pathologie », mais peut aussi donner lieu à une particularité biologique qui, selon le contexte, s’interprète davantage comme une condition. La question demeure : à quel moment doit-on parler de maladie et à quel moment s’agit-il simplement d’une différence ?

La perspective philosophique

Le philosophe Georges Canguilhem, dans son ouvrage Le Normal et le Pathologique, introduit une réflexion importante. Selon lui, la médicalisation de la société, où la médecine définit ce qui est « normal » ou « pathologique », impose souvent une vision réductrice. Ce qui est vu comme anormal ou déviant est systématiquement considéré comme un mal à guérir. Mais, pour Canguilhem, la santé et la maladie ne sont pas des concepts fixes. La santé, selon lui, doit être perçue comme une capacité à s’adapter à son environnement et à ses conditions de vie, même lorsqu’il existe des différences génétiques.

Cela signifie que tout ce qui est rare ou génétiquement différent n’est pas nécessairement une maladie. C’est une interprétation sociale et médicale qui fait la différence entre ce qui relève du pathologique et ce qui relève simplement de la diversité humaine.

Alors, la réponse à la question ?

Non, toutes les conditions génétiques ne sont pas des maladies. Certaines sont des variations de l'espèce humaine, qui ne devraient pas être immédiatement pathologisées. Mais elles peuvent être vécues comme des maladies selon les normes de la société ou les difficultés qu'elles engendrent dans le quotidien. La médecine, en classant certaines conditions génétiques parmi les maladies rares, joue un rôle dans cette construction sociale. Mais, comme le soulignent Canguilhem et les chercheurs modernes, cette approche doit constamment être remise en question pour mieux comprendre et accepter la diversité humaine.

Ce qui est rare n’est pas toujours un mal. Ce qui est génétique n’est pas toujours une maladie.

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