Édito : Le silence assourdissant du handicap au sommet de l'État

Il est des silences qui résonnent plus fort que les mots. Aujourd'hui, nous faisons face à l'un de ces silences — celui qui, d'une main insensible, a effacé le terme "handicap" du nouveau ministère. Loin d'être un simple détail administratif, cette omission traduit une réalité plus cruelle, celle d'une invisibilisation progressive, presque sournoise, des personnes handicapées et de leurs familles. Ce retrait s'inscrit dans une société qui, de manière systémique, continue de marginaliser celles et ceux qui, chaque jour, se battent pour une reconnaissance pleine et entière de leurs droits et de leur dignité.

Le handicap, ce n'est pas une question de chiffres ou de bureaucratie, c'est une réalité humaine. En France, près de 12 millions de personnes vivent avec un handicap, soit près de 20 % de la population. Parmi elles, combien d'enfants se battent chaque jour pour franchir les barrières physiques, psychologiques et institutionnelles qui leur sont imposées ? Combien de familles doivent jongler entre un système éducatif insuffisamment inclusif et des soins trop souvent inaccessibles ?

Or, l'absence du mot "handicap" dans l'intitulé du ministère envoie un message clair : ce combat ne semble plus être une priorité. Il ne s’agit pas simplement d’un faux pas symbolique ; c’est un manquement grave. Comment pourrions-nous espérer bâtir une société inclusive si ceux qui façonnent nos lois et nos politiques choisissent délibérément d’écarter du langage même la diversité humaine ?

Dans un pays qui se targue d’être à l’avant-garde des droits humains, où la solidarité est censée être un pilier de notre République, comment expliquer ce recul ? Ce n'est pas une simple question de sémantique. Ce choix reflète un problème plus profond : la lutte pour l’inclusion des personnes handicapées reste une bataille invisible, trop souvent reléguée en bas des priorités politiques. C'est un déni de leur existence même, un refus tacite de les intégrer pleinement dans le tissu social et économique de notre nation.

Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Selon l'Insee, en 2021, le taux de chômage des personnes en situation de handicap était de 14 %, soit presque deux fois supérieur à celui de la population générale. Le taux de pauvreté est, lui aussi, alarmant : 21 % des personnes handicapées vivent sous le seuil de pauvreté. Face à ces réalités accablantes, comment ne pas être en colère de voir le handicap une fois de plus ignoré dans les hautes sphères de l'État ?

Le handicap n’est pas une question périphérique. Il est au cœur de ce que doit être une société juste, solidaire, et véritablement inclusive. En tant que mère d'un enfant handicapé, en tant que fondatrice de All Kids Are Cool Kids, je ne peux rester silencieuse face à cet effacement. Nos enfants méritent mieux. Ils méritent d’être vus, entendus, et représentés. Loin d'être une "charge" pour la société, ils en sont la richesse, le cœur battant, l'expression la plus authentique de la diversité humaine.

Le ministère, quel qu'il soit, a pour devoir de refléter cette réalité. L’effacement du terme "handicap" est un signal désastreux qui risque de perpétuer l’invisibilisation des personnes en situation de handicap. Il est plus que temps que la France se dote d’une véritable politique inclusive, où le mot "handicap" ne sera pas simplement un accessoire, mais un fondement de notre pacte social.

À l’heure où nous réclamons justice et égalité pour toutes et tous, cette omission ne fait qu’accentuer les fractures sociales. Et ce silence, nous ne l’accepterons pas. Parce que chaque enfant mérite de grandir dans une société qui lui ouvre les bras, et non qui l’oublie. Parce que chaque famille a le droit d’être entendue et reconnue. Parce que l’inclusion ne se négocie pas, elle se construit. Ensemble, avec nos enfants, handicapés ou non, nous construirons une société à la hauteur de nos rêves. Une société où le mot "handicap" n'est pas une omission, mais une évidence.

Pauline Mangin, fondatrice de All Kids Are Cool Kids

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