Édito: La tyrannie des horloges

Je cours toujours. Pas parce que je suis en retard, mais parce que la vie elle-même semble avoir pris un rythme que je n’ai jamais choisi. Ce matin encore, la montre me juge. Les minutes filent, les rendez-vous s’empilent, et pourtant tout semble suspendu à des petits détails : la chaussette qui gratte, le biberon refusé, ou les pleurs qui surgissent sans crier gare.

Dans une autre vie, peut-être, j’aurais dû être à l’heure. Mais aujourd’hui, je suis à ma place : dans ce tourbillon qui conjugue parentalité et handicap. C’est une danse maladroite entre l’urgent et l’essentiel. La psychomotricienne à 9h30, la crèche à 10h, un appel professionnel volé entre deux feux rouges… Et malgré tout, personne ne voit ces petits exploits que je collectionne comme des médailles invisibles.

On pourrait se dire qu’être en retard est une évidence dans notre quotidien. Mais ce n’est pas si simple. Ce retard est un miroir : il reflète ce que la société attend de nous, des cases dans lesquelles on ne rentre jamais. Pourtant, j’ai appris à regarder au-delà de cette horloge implacable. Parce qu’entre deux instants arrachés, il y a une main qui cherche la mienne, un sourire qui efface tout, un regard qui dit "merci d’être là".

Alors non, je ne suis pas à l’heure. Mais je suis là. Et parfois, ça suffit.


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